Vues de l'exposition, Viktor Freso & Polat Tayir, Deux nostalgies humoristiques et sérieuses
Polat Tayir, MIse en scène VI, 2023
L'œuvre de Victor Freso est moderne et occidentale. Toutefois, son point de départ est l'Europe de l'Est, le pays dans lequel il a été conçu.
Dans « Aladin », le Génie de la lampe magique s’élève comme de la fumée et prend une forme gigantesque pour s'envoler partout dans le monde. De la même manière, le travail de Victor s'épanouit de ses racines et prend son envol en Europe et dans le reste du monde avec la nostalgie de son origine.
 
Une des œuvres présentées pour cette exposition est une sculpture moderne sur un pot traditionnel. Son œuvre explosive contient de l'humour nostalgique. C'est comme le regard d'un étranger qui observe l'Europe occidentale avec ses pieds touchant ses racines. C'est là que commence son œuvre.
Dans le monde de l'art contemporain, Jeff Koons a frappé les galeries internationales et les meilleurs collectionneurs du monde avec ses œuvres. Cette fois, c'est Viktor qui a frappé Jeff Koons. Koons se moquait de la tradition et du monde de l'art par la langue de l'art contemporain. Viktor travaille dans son langage personnel, contrairement à Jeff Koons et à l'art contemporain.
 
Si la bouffonnerie de Koons est une bouffonnerie froide, celle de Victor est une bouffonnerie chaude. Si l'expérience de Koons comme un revendeur à succès qui a gagné des millions de dollars à un jeune âge a donné lieu à son audace. La force de l'histoire bien enracinée de Victor suscita son courage.
Il n'a pas perdu son originalité malgré l'invasion de l'art contemporain en Europe Occidentale. Même si son œuvre est provocatrice, elle n'est pas violente, grâce à la sensibilité enfantine de l’artiste.
 
Je considère cette pureté propre à l'Europe orientale. Je l'ai vécu, je l’ai vu. En 1999, j'ai fait un séjour d'un mois à Prague pour rendre visite à un ami. Pour moi, les étudiants des écoles d'art de Prague étaient plus magnifiques que Prague. Les étudiants étaient honnêtes, purs. Ils n’étaient pas contaminés par le capitalisme de Europe de l'Ouest. Dans une situation où l'Europe de l'Est s'ouvrait, les élèves semblaient perplexes devant l'invasion de la culture occidentale.
 
Tout comme le livre blanc est facilement coloré de peinture, leurs sensibilités pures étaient risquées face aux tentations astucieuses des cultures occidentales et américaines. Une telle situation m'a fait penser aux œuvres présentées au pavillon de l'Europe de l'Est à la Biennale de Venise en 1999, la même année. Des artistes établis plus âgés ont suivi l'ancien modernisme de l'Europe de l'Ouest. Ils ont hissé le drapeau blanc sur les vagues de pouvoirs étrangers. Par contre, la jeune génération a refusé de se rendre. Ils erraient entre leur propre pureté et les tendances sans précédent des Occidentaux.
 
Après avoir fini ses études à l'Académie des Beaux-Arts à Prague 2003, le travail de Viktor a trouvé sa place dans la vague de pluralisme créée par l'Europe occidentale. Mais sans être emporté par elle, il a toujours gardé ses racines. Viktor navigue aujourd'hui sur cette vague de pluralisme avec ses œuvres.
 
Quand je vois Viktor, il me rappelle Emir Kusturica. Non à cause de l'apparence de l'artiste, mais parce que les questions et les cris des films du cinéaste envers la société occidentale font partie du travail de Viktor. Ces voix s'affrontent d'une manière singulière face à la société occidentale et à notre société.
 
Jungmin CHOI
Docteur en Arts Plastiques de Université Paris I Panthéon Sorbonne
V I K T O R  F R E S O
P O L A T  T A Y I R
V I K T O R  F R E S O  &  P O L A T  T A Y I R
DUO SHOW
 
Deux nostalgies humoristiques et sérieuses
Polat Tayir - Mise en scène VI, 2023 - Huile sur toile, H86 x 100 cm
La Galerie Géraldine Banier présente une exposition en Duo des artistes, Polat Tayir et Viktor Frešo. Deux artistes dont le langage pictural métaphorique met en relation la nostalgie de leurs origines et le regard qu’ils portent sur le monde actuel.
 
L'originalité des deux artistes, Polat et Viktor, commence là où ils sont nés, il s'agit de l'Asie centrale et de l'Europe de l'Est. Régions du monde, où les frontières avec l’occident ont résisté à l’assaut du capitalisme et de la mondialisation. Ce que les deux artistes proposent au public, c'est leur nostalgie pleine d'humour et de sérieux...
 
Tout comme Camus parle de la beauté de Tipaza, en Algérie, où il est né, dans "Noces ; l’Eté", les œuvres de Polat Tayir révèlent un amour pour ses origines et sa famille en tant qu'artiste. Dans sa série de peintures intitulée "Mise en scène", Polat compose un espace théâtral. Des enfants sont placés sur le tapis rouge traditionnel Ouïghour. Il y a des lumières, des fils électriques sont connectés. Il donne un sens aux éléments de son tableau et invite le public à entrer dans son histoire.
 
L'artiste s'exprime de façon métaphorique. Le tapis rouge traditionnel représente le territoire de son peuple et le rideau installé en arrière-plan délimite deux espaces, deux mondes. Cette composition créé une frontière qui est franchie par des fils électriques interconnectées, symboles des dangers qui nous entourent.
 
Il était défendu aux peintres de la Renaissance d'exprimer leurs pensées. C'est pourquoi, ils utilisaient des métaphores, comme notamment le pilier rond porté par les anges dans le Jugement dernier de Michel Ange qui signifiait la passion du Christ.
Polat cache également des significations dans les éléments de sa peinture. Il organise ainsi sa peinture comme une scène de théâtre. Un des points remarquables est la temporalité de la scène de son tableau. Cet endroit n'est pas un studio installé dans un immeuble. Il s'agit d'une mise en scène temporaire avec une tente, des lumières et un tapis par terre. Comme sa toile, l'artiste est toujours en route. Parfois sa toile est sa main, nue ou couverte d’un gant d’ouvrier, cette main qui tente de s’insérer dans de nouveaux paysages. Mais il ne s'agit pas d'un vagabondage sans but, c'est ainsi que ses ancêtres construisaient leurs maisons traditionnelles et menaient une vie nomade.
 
A travers ses œuvres, Polat rend hommage à son peuple, à ses origines et à sa ville natale qu’il chérit. Il fait se rencontrer l'Europe et le monde et ses racines spirituelles et esthétiques dans ses œuvres.
Il présente son histoire à un public anonyme du monde entier. Le public voyage dans l'histoire de l'artiste, dans sa ville natale, son univers.
La nostalgie de Polat s’expose aux yeux du public. Et son processus de travail, dont on ignore jusqu'où il le mènera, n'est pas un simple désir de regret, mais un voyage pour trouver une réponse sincère. Comme Camus....
Viktor Freso - Vikivase, 2021 - , Mixed media; H 105 x 40 x 40 cm

4 Février 2023 - 25 Mars 2023

 

54, RUE JACOB

75006 PARIS